La presse, les journaux de tranchées
Montrer la guerre : la presse illustrée dans la Grande Guerre
En août 1914, la presse illustrée a atteint, dans plusieurs pays d'Europe, l'apogée de sa diffusion. En France, des journaux comme L'Illustration et Le Miroir se vendent respectivement chaque semaine à 250 000 et 600 000 exemplaires. En Allemagne, l'illustré satirique Simplicissimus tire à près de 500 000 exemplaires. Face à ces succès, les quotidiens, à l'image du Petit Journal et du Corriere della Sera, se sont mis eux aussi à lancer des suppléments hebdomadaires, dépassant parfois le million de lecteurs.
Ces journaux ont été les principaux instruments permettant aux civils à l'arrière de voir la guerre. Ils ont recouru à deux techniques de représentation : la gravure et la photographie. Certains, comme L'Illustrazione Italiana ou l'Iskri russe mêleront les deux. La photographie, et l'effet de réel qu'elle est censée produire, est plutôt utilisée comme un témoignage. La gravure cherche quant à elle à mettre en récit un événement (un duel aérien, un assaut, la fin des hostilités,...) ou à donner à voir ce qu'un photographe ne peut saisir pour des raisons techniques ou en raison du danger encouru. Ainsi, les coups de main nocturnes dans le no man's land, l'explosion d'un obus ou encore un assaut restent largement l'œuvre de graveurs et dessinateurs. La plupart de ces journaux illustrés existaient avant guerre mais certains, à l'image de l'Illustrated War News, sont nés du contexte nouveau de la guerre. Conduite par un besoin de voir la réalité de la guerre, la demande des publics a en effet été extrêmement forte. Elle s'est souvent traduite par une augmentation significative des ventes et par une place de plus importante accordée à la photographie. Cette presse a largement contribué à forger la culture visuelle du conflit.
Quelques titres de presse illustrée sur Flickr
Les journaux de tranchées
Dès la fin de 1914 la guerre s'installe dans la durée et dans la routine peu rassurante de la guerre des tranchées. Une nouvelle presse éphémère et intermittente, faite de bulletins improbables écrits par des soldats pour des soldats apparaît comme exutoire aux conditions de vie : il faut « amuser les copains » et chasser le cafard.
On en connaît près de 480 titres, imprimés le plus souvent avec des moyens rudimentaires, d'une durée de vie moyenne entre un an et demi et deux ans. La production atteint son maximum dans les années 1916 et 1917. Leur nombre se réduit en 1918, avec la reprise de la guerre de mouvement. Jeux de mots et pastiches cohabitent avec des poèmes et des commentaires inspirés par le quotidien du front et portant très souvent un regard aigre-doux sur l'attitude de l'arrière, que l'on peint volontiers comme étant peuplé d'embusqués et de profiteurs. La mort est omniprésente, souvent au détour d'une pirouette humoristique. Les rêves des poilus s'y expriment librement : une permission, un bon lit, un repas chaud, un bain, l'évocation de l'image de la femme, le pinard. Peu de place pour les questions militaires ou politiques, ce qui est très probablement dû à une autocensure prudente et à une méfiance certaine à l'encontre du « bourrage de crane » dont les soldats avaient fini par identifier les ficelles les plus grossières.
Les journaux de tranchées de la BDIC et de la BnF en ligne
Quelques titres de presse illustrée et quelques journaux de tranchées sur Flickr