Salonique Le 23 novembre 1915
Ayant trouvé un camarade assez complaisant pour m'envoyer un panorama de terre je profite que j'ai un petit moment pour l'expédier. Car nous marins ou quartiers maîtres nous n'avons pas le droit d'y descendre à cause que il y a 10 jours de cela des marins anglais, français, italiens et russes sont rentrés au consulat allemand dans cette ville et on (sic) tous (sic) cassé chez lui. Depuis les marins n'ont plus le droit d'y aller ce qui fait que quand vous avez besoin de quelque chose vous êtes obligé d'avoir recours à Pierre et à Paul pour vous rendre un maeheureux (sic) service. Heureusement pour moi que j'ai un camarade qui mange à la même table que moi qui est patron du petit canot à vapeur. Le matin quand il va envoyer les cuisiniers à terre il me fait les commissions nécessaires. Toutes les cartes postales que je vous envoi (sic) comtesse c'est lui qui me les porte de terre. Il y a un ordre qui a paru à bord aujourd'hui demandant des volaires (sic) pour les autos canons pour aller sur le front serbe rien que des canonniers j'y ai mis mon nom le 1er en tête de liste. Nous allons voir si ils veulent m'y envoyer J'ai à vous apprendre que la Grèce a démobiliser (sic)1 ce matin. Il faut qu'ils soient lâches tout de même ces Grecs. Il y a Lord Kichner (sic) qui prend le commandement des troupes de l'armée d’Orient mais il sera en sous ordre du général Sarail (sic). Je ne sais pas si il fait si froid à Beaune qu'ici mais bon sang de bon sang il fait un froid de chien par ici le malheureux qui n'aurait pas de quoi se couvrir la nuit étant de veille contre les sous-marins il en mourait (sic) du froid qu'il fait. Heureusement que moi j'ai fait toutes mes provisions nécesssaires à Toulon contre le froid. Des sabots je m'en suis fait venir une paire de la maison avec des chaussures bourés (sic) [et] un cache nez. J'ai tout ce qu'il faut pour pouvoir résister à n'apporte (sic) quel hiver. Rien de nouveau à vous annoncer par ailleurs. Que de vous souhaiter une bonne santé ainsi que votre demoiselle. Car tant qu'à la mienne on ne peut être mieux portant.
Un petit ami qui ne vous oublieras (sic) jamais,
Note : a
Adresse placée sur le second volet de la carte postale et sur l'enveloppe.
Note : 1
Favorable à une alliance avec les puissances centrales, Constantin Ier, qui a renvoyé Elefthérios Venizélos pour avoir laissé les troupes de l'Entente débarquer à Salonique, fait savoir le 9 novembre 1915 par son nouveau premier ministre, Skoudoulis, que la Grèce souhaite « désarmer toutes les troupes étrangères se trouvant sur le territoire grec ». Le 21 novembre, une escadre française prend position devant Milos. Le 23, une note est envoyée au gouvernement grec le pressant d'adopter une posture neutre et bienveillante. Un accord est finalement trouvé : les troupes grecques doivent quitter la région de Salonique. voir :
Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, 2014, p. 222.