Salonique Le 16 novembre 1915
Je profite que j'ai un petit instant pour vous envoyer de mes nouvelles qui sont très bonnes pour le moment et je désire qu'à l'arrivée de mes 2 cartes que vous vous trouviez de même ainsi que votre fille. Je vous fais savoir que nous avons quitté Port Iéro le 13 à 12h30 pour Salonique où nous sommes arrivés le 14 au soir. Nous sommes ici pour remplacer le Charlemagne qui doit rentré (sic) en France pour quelques petites réparations. Ici au moins il y a du mouvement avec tous ces bateaux qui arrivent tous les jours chargés de troupes ce matin il est arrivé 2 grands courriers français chargés de troupes et de matériel hier il est arrivé 15 ou 8 cargots français et anglais chargés eux aussi de troupes et de canon de 75 il y a un mouvement terrible à terre avec toute la troupe. Qu'il y a de grecs mobilisés1 il y a environ 100000 [hommes] des troupes françaises et anglaises il y en a en quantité enfin on ne peut pas faire un pas dans la ville sans rencontrer un militaire ce sont les trains qui marchent beaucoup par ici2 nuit et jour ils font le va-et-vient chargé (sic) de troupes de Salonique à la frontière serbe. Je crois que ça va pour le mieux avant hier un chalutier français a arrêté une barcasse dans laquelle il y avait 41 turcs dont 11 officiers avec armes et minutions le chalutier a coulé la barcasse et les a fait prisonniers. Le bateau qui nous a remplacé à Port Iéro est le Dupleix. J'ai bien écrit à monsieur G Locke avocat à la cour d'appel mais vous avez oublié comtesse de me dire à laquelle de cour d'appel il se trouve je lui ai adressé la lettre à la cour d'appel de Paris je pense que si ce n'est pas là on lui la fera bien parvenir.
Un petit ami qui ne vous oublieras (sic) jamais,
Toujours la même adresse.
Note : 1
En octobre, et malgré un accord entre les deux nations, le roi Constantin avait refusé de mobiliser ses troupes aux côtés de la Serbie arguant que cette dernière n'étant pas en mesure d'aligner cent cinquante mille hommes face à la Bulgarie — en raison de la menace allemande et austro-hongroise — l'accord était devenu caduc. À la demande du premier ministre grec Venizélos, les alliés acceptent de soutenir les Serbes et d'envoyer des troupes. Son argument ne tenant plus, Constantin est contraint de mobiliser ses troupes. voir :
Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, 2014, p. 224.